Sur mon plan de courses 2018, c'est la course la plus longue, et sans doute aussi la plus technique. Elle intervenait moins de 8 semaines après le 90 km du Mont-Blanc duquel j'étais revenu un peu marqué mentalement mais aussi avec une gêne / douleur aux orteils du pied droit qui m'ont poussé à rester au repos un bon moment avant de sonner l'heure de la reprise.

Une reprise prudente

En effet, non seulement j'ai laissé 3 semaines avant de reprendre, mais la douleur est revenue dès la première sortie pourtant réalisée avec un modèle à amorti modéré (Altra Torin). J'ai donc pris mon mal en patience tout en constatant que la douleur s'effaçait plus rapidement, notamment en chaussant mes chaussures minimalistes Freet au quotidien plutôt que mes Vivobarefoot dont l'usure pourrait finalement être un facteur aggravant de la gêne.
Quoi qu'il en soit, j'ai doublé la distance une semaine plus tard et fait une bonne sortie de 20 km en allant chercher l'incontournable montée vers Saint-Germain en Laye. Ce n'est pas une référence et reste très modeste pour ce préparer à un ultra trail avec un dénivelé conséquent, mais je comptais sur d'autres éléments pour dompter les montées dans les Pyrénées.

Comment tout de même arriver paré pour aborder les 123 km et 7151 m D+ ?

Depuis plus d'un an, pour être parfois contraint de limiter mes sorties du fait de journées / semaines trop chargées, et d'autres compromis, ma stratégie est de cumuler les courses pour en faire les meilleures mises en situation. Autrement dit, une course est potentiellement un entraînement pour la suivante. Je comptais donc sur la qualité des mes enchaînements post-blessure avec la Maxi-Race et le 90 km du Mont-Blanc pour arriver dans les Pyrénées paré à affronter le dénivelé.

Autre point sur lequel j'ai misé : la perte de poids. Si le poids n'est en général pas ressenti comme un handicap sur des trails aux distances ou profils raisonnables, mon ressenti depuis 2 ans le pointe clairement du doigt quand il s'agit d'aborder des distances plus longues comprenant de longues portions de montées (coucou l'OCC, la CCC, la Mascareignes, et le 90 km du Mont-Blanc).
Mon activité professionnelle m'obligeant à faire avec une pause déjeuner chronométrée à maximum 1h, et ne souhaitant pas me laisser rattraper par la malbouffe ou l'excès de sandwichs, j'ai donc tiré profit de ce qui peut être au départ vu comme une contrainte pour en faire un atout.
J'ai ainsi enchaîné près de 3 semaines de jeûne intermittent avec pour objectif la perte de poids (mais pas que, j'avais également la baisse du cholestérol dans le viseur). Je n'en étais pas à ma première expérience de jeûne intermittent ce qui m'a permis de faire ça sur une telle durée : après une première période sur le modèle du jeûne de 22h (alimentation solide uniquement entre 19h et 21h), d'alterner par moment avec celui de 16h (pas d'alimentation solide entre 21h et 13h) qui soit-dit en passant est réputé comme étant le plus efficace.

Bilan : je suis passé de 82 kg post 90 km du Mont-Blanc à 74 kg à une semaine du GRP.

Une semaine choc pour préparer le corps

A l'issue de ma seconde sortie de reprise, la douleur aux orteils était toujours présente mais pas proportionnelle à la distance. J'ai tout de même patienté 2 semaines pour attaquer la dernière ligne droite de ma préparation, laquelle à commencé le lendemain d'une soirée typiques des écarts qu'on ne peut pas refuser quand on est de passage en Alsace (tarte flambée et vin blanc).

Ce qui pouvait paraître comme une simple compensation juste avant de passer la journée au parc d'attraction s'est révélé le point de départ d'un total de 4 sorties en 5 jours cumulant environ 73 km. L'éternelle douleur aux orteils n'étant revenue que sur la dernière sortie (que j'ai donc volontairement écourtée pour ne pas traîner la douleur jusqu'au départ de la course qui se profilait 7 jours plus tard).

Ces sorties ont pu se faire au profit du 15 août mais aussi du choix de rentrer du travail en courant, en longeant en grande partie la Seine et finissant en transports en communs. C'est d'ailleurs quelque chose à renouveler si mes horaires y sont favorables (la formation que j'anime en ce moment terminant à 17h30, cela favorise une telle démarche en semaine).

Encore un ultra en solo

Initialement, nous comptions passer une dizaine de jours dans le sud avec comme point d'orgue ma course, mais mes engagements professionnels et les congés de la nounou nous ont poussé à faire l'impasse.

Je ne me suis donc absenté que 4 jours, départ jeudi matin, retour dimanche fin d'après-midi.

Quand je voyage seul, je suis moins regardant sur les conditions, et j'ai donc choisi la formule la plus économique :

  • vol Paris - Tarbes / Lourdes
  • location d'un utilitaire (prix défiant toute concurrence) pour rejoindre le lieu de la course
  • solution d'hébergement conclue à la dernière minute

Le voyage n'aura pas été de tout repos puisque Air France (Hop), alors que le billet m'avait été transmis quelques jours avant l'aller, m'aura envoyé tôt le matin un SMS (suivi d'un email) m'indiquant l'annulation du vol (pile 4h avant la fin d'enregistrement des bagages). Cela coïncidait avec mon réveil, et le stress / la colère m'ont envahi : comment arriver sur place avant la fin de retrait des dossards en voiture ou en train ? quid de ma réservation d'utilitaire à l'aéroport de Tarbes ? Et le retour ?

Livré à moi même pendant 10', le moral en prend un coup et l'idée de devoir laisser tomber me traverse forcément l'esprit. Puis soudain, autre mail d'Air France qui m'indique un nouveau vol dont le départ est 45' après le vol initial mais dont la destination (ce que je n'aurai pas vu immédiatement) n'est pas la même ... Pau. Il faudra encore attendre une dizaine de minutes pour cette fois recevoir un SMS indiquant la mise en place d'une navette entre les aéroport de Pau et de Tarbes.

Au final, le vol pour Pau était complet (faut-il comprendre que certains n'ont peut-être pas pu se rabattre sur le vol ou qu'on leur a proposé une autre alternative ?) et je suis arrivé avec plus de 2 heures de retard à Tarbes, pile pendant la fermeture pour pause déjeuner du loueur ..

Après ce changement de programme et un passage chez Décathlon, j'arriverai à Vielle-Aure à 16h.

Heureusement que la famille ne se déplaçait pas avec moi pour le coup. Contrairement au ressenti partagé pour les 90 km du Mont-Blanc, l'influence de l'absence de proches pendant le séjour aura été cette fois minime.

L'hébergement et l'importance du repos

Pendant mes temps d'attente aux aéroports, j'ai tenté une réservation pour la nuit du jeudi au vendredi sur Airbnb, en combinant proximité et tarif économique. C'était prévisible, l'offre était très faible, mais finalement la seconde demande fût la bonne, et je ne regrette pas d'avoir évité la nuit dans le coffre de la Kangoo, encore moins d'être tombé sur cette location. J'ai pu profiter d'une nuit complète au calme et était donc dans les meilleures dispositions le matin de la course.

A l'inverse, le repos d'après course s'est quant à lui réduit à 4 heures à même le sol du coffre de la Kangoo à entendre au loin la voix du speaker de la course, mais c'est un choix plus facile à assumer car ayant moins de conséquences que si je l'avais fait pour la nuit précédent la course.

La découverte du GRP

Avant de partager le déroulé de la course, je souhaite partager mon ressenti sur les conditions et le cadre des courses du GRP.

Selfie avec les montagnes des Pyrénnées derrière moi
Selfie avec les montagnes des Pyrénnées derrière moi

Tout d'abord, le retrait des dossards :

  • un espace pourvu de quelques sponsors, peut-être même moins que dans certaines courses bien plus modestes. Étonnant mais pas du tout gênant
  • un contrôle de l'ensemble du matériel obligatoire bien organisé
  • la possibilité de prendre en dernière minute un ticket pour la pasta party à laquelle j'ai pu participer avant de prendre la direction de ma location Airbnb

Puis venons en au village, centre névralgique puisque regroupant zone d'arrivée, de briefing de course, et de dépôt du sac de délestage. Plusieurs restaurants et des petits restaurateurs mobiles qui ont permis que ce soit avant ou après la course de concentrer les suiveurs ou autre locaux pour une ambiance chaleureuse.

Le départ du Tour des Cirques n'avait pas lieu à Vielle-Aure, mais les coureurs pouvaient bénéficier (pour 6 euros de supplément) de navettes le matin pour rejoindre Piau-Engaly (nous y sommes arrivés environ 1 heure avant le départ). D'ailleurs, pour ceux qui liraient cet article et envisageraient de participer à cette course, certains coureurs ont passé la nuit à Piau-Engaly, ce qui peut s'avérer une option intéressante pour s'épargner le stress et la fatigue d'avant course (nécessite certainement d'être accompagné pour ne pas galérer à revenir sur place après la course).

Les ravitaillements ont toujours été bien fournis, la base vie bien que surchauffée par la présence des coureurs a également tenu ses promesses et l'alimentation proposée était au top. J'ai également relevé une très faible présence de bénévoles sur le parcours (hors ravitaillements), confirmation que le balisage était largement suffisant pour nous permettre de relier les différents points de contrôles (il parait néanmoins que le brouillard a piégé certains coureurs qui se seraient perdus, entraînant la décision de l'organisation d'élargir les barrières horaires).

Le parcours m'a paru clairement plus technique que ce que j'avais pratiqué jusque là (mise à part la dernière montée sur la Maxi-Race) mais j'ai du mal à comparer sur le critère de la performance physique car j'ai moins souffert que sur mes précédentes courses et que le facteur poids y contribue sans doute.

En ce qui concerne les paysages, je vous laisse juger par vous même sur la base des illustrations dans cet article.

J'ai bien aimé les panneaux sur les 2 derniers kilomètres de la course qui décomptent la distance restante, c'est assez rare et - qu'on ait encore la distance parcourue à sa montre ou non, cela motive à gérer les derniers hectomètres en totale conscience (anecdote plus loin).

Même si je ne peux pas généraliser à toutes les heures d'arrivées, j'ai trouvé l'ambiance était très engageante sur les derniers hectomètres ainsi qu'à l'approche / au passage de la ligne d'arrivée.

En matière de dotations, entre celles distribuées lors du retrait du dossard et celles remises à l'arrivée, les organisateurs du GRP sont en pôle position par rapport à ce que j'ai pu jusque là rencontrer sur les courses. Les 115 euros de l'inscription constituent par conséquent définitivement un bon investissement.

La dotation coureur du GRP Tour des Cirques 2018
Dotation coureur avec un tour de cou, une ceinture porte dossard, et des produits locaux (pâté, pain d'épice, rosé)

Comme il y avait quelques campings à proximité, l'organisation a eu la bonne idée de proposer aux coureurs une navettes pour aller se doucher / changer après la course.

Pour les petits bémols :

  • à l'entame du dernier kilomètre il s'agissait de traverser un axe routier assez important, j'ai été surpris de ne voir ni bénévole régulant la circulation, ni balisage / banderole pour identifier le passage le plus sécurisant. Peu avant, je m'étais arrêté pour laisser passer une voiture dans une rue, et un passant s'était intercalé pour forcer la voiture à me laisser passer. J'ai eu beau rappeler qu'en trail le code de la route s'appliquait, il trouve cela normal de bloquer la voiture.
  • le ravitaillement d'arrivée m'a laissé sur ma faim, et je regrette l'absence de repas de fin de course. Heureusement il y avait de quoi faire aux alentours en sortant son portefeuille, mais après une telle durée de course ça me parait indiqué.

Venons en à la course

Arrivé en navette une petite heure avant le départ de la course, j'ai le temps de prendre pour seul petit déjeuner une barre d'avant course et de me replonger dans le tracé et mes prévisions.

Selfie avant le départ de la course à Piau-Engaly
Selfie avant le départ de la course à Piau-Engaly

J'avais prévu de faire les deux premiers tronçons à un rythme plutôt modéré, puis d'attaquer davantage dans les deux tronçons suivants qui me paraissaient plus roulants. Sauf qu'à quelques minutes du départ, je regarde une dernière fois mes prévisions, et je réalise que 9h + 140' ne fait pas du tout 10h20 mais 11h20, soit que je me suis raté d'un heure dans mes calculs dès le premier tronçon. Le petit hic, c'est que la barrière horaire est à 11h10, ce qui ne colle pas du tout avec ma stratégie de course ... et qui laisserait entendre que je vais être trop proche des barrières horaires pendant toute la course ?

Les distances et dénivelés repris sont ceux fournis par le site chronométrique.

Boucle sur Piau-Engaly : 8,7 km avec 770 m D+ et 804 m D-

Il va donc falloir revoir le premier tronçon et abandonner l'idée de faire la montée à l'économie. Pas le temps de refaire les prévisions, la course démarre et il c'est avec une portion descendante que se fait l'entame : de quoi slalomer pour trouver un peu plus d'espaces et commencer à sensibiliser certains coureurs sur la mauvaise tenue de leur bâtons. Je poursuis en faisant la montée sans trop forcer mais en gardant un bon rythme et tentant de relancer dans les faux plats : l'objectif est de rester à peu près dans le même rythme que les coureurs qui m'entourent (comme je suis un peu plus lent à la marche, je refais mon retard en trottinant quand la pente est moins sèche).

Photo des coureurs qui me précédaient au sommet de la première difficulté
Photo des coureurs qui me précédaient au sommet de la première difficulté

Le terrain ne présente aucune technicité / difficulté, et j'atteins le sommet après 1h05' de course.

Photo des coureurs qui me précédaient à l'amorce de la première descente
Photo des coureurs qui me précédaient à l'amorce de la première descente

Après avoir pris quelques images (non, mon expérience des 90 km du Mont-Blanc ne m'a pas refroidit), c'est parti pour une descente qui démarre par des lacets improvisés dans une portions caillouteuse (petits). Passé cette partie un peu technique et glissante, la descente se fait plus roulante et j'arrive assez rapidement ... au premier ravito qui n'est autre que le point de départ, et ceci dans un temps qui finalement n'est pas très éloigné du temps prévisionnel erroné.

Au point kilométrique 8,7 (770 m D+ et 804 m D-) je suis ainsi passé en 1h27'22" (256/580)

De Piau-Engaly à Gèdre : 16,4 km avec 771 m D+ et 1596 m D-

Me voilà rassuré, d'autant que je suis bien loin de m'attarder 5' au ravitaillement comme initialement prévu, ce qui signifie que je ne suis finalement pas loin du timing prévu, même si j'ai été loin de faire la portion à l'économie comme prévu.

Je poursuis donc en gardant en tête ma stratégie de course qui consiste à ne pas trop m'user sur la seconde portion.
Après une petite portion roulante entre plats et faux-plats, nous attaquons la deuxième montée de la journée. Celle-ci ne présente pas le même paysage que la première et on comprendra l'intérêt d'étirer le peloton en faisant une première boucle autour de Piau-Engaly. La montée se fait à rythme constant, je sens que certains coureurs reviennent de l'arrière mais ne me laisse pas influencer et monte au train en gérant mon alimentation. Cette montée, plutôt monotrace sans être particulièrement technique, avec un court passage dans une portion de névés, me prendra environ 1h27'.

Descente sur un terrain mi-herbeux mi-minéral
Descente sur un terrain mi-herbeux mi-minéral

Comme j'ai senti un petit échauffement sous le pied, je prends mon temps au sommet pour retirer la chaussure, puis la chaussette, vérifier la présence d'un éventuel corps étranger, puis tout remettre. J'ai souvenir d'un début de descente monotrace en lacets, avec quelques dépassements à gérer pour rester dans un rythme qui me convient, puis une portion dans un environnement type pâturages, et pour finir un passage en sous-bois comprenant un terrain légèrement accidenté.

Descente monotrace dans la vallée
Descente monotrace dans la vallée

Les jambes ont bien travaillé et Gèdre est visible. Étonnement, le tracé nous impose un petit détour avec une légère remontée qui m'a clairement fait mal aux jambes et a même déclenché un simili début de crampe. Quelques hectomètres plus loin nous attendait le second ravitaillement.

Au point kilométrique 25,1 (1541 m D+ et 2400 m D-) je suis ainsi passé en 4h23'47" (230/576).

Portion de 16,4 km avec 771 m D+ et 1596 m D- réalisée en 2h55'

De Gèdre à Gavarnie : 12,2 km avec 1522 m D+ et 952 m D-

A la sortie du ravitaillement (où j'ai passé une dizaine de minutes), j'ai d'ailleurs 25' d'avance sur ma feuille de route. Ce fût donc une portion rondement menée par rapport à mes prévisions.

La portion au départ de Gèdre devait dans mes prévisions correspondre à un rythme plus soutenu car montée moins exigeante sur le papier.
Et malheureusement, parfois, ce qui apparaît sur le papier est loin d'être en phase avec la réalité du terrain : cette montée de 540 m sur 5 km a été le théâtre d'un premier passage à vide, résultat d'un début de course qui m'aura entamé l'énergie à laquelle j'espérais pouvoir faire appel ? Si mes calculs sont bons, j'ai mis environ 1h45' pour faire ces 5 km, ce qui est plutôt décevant.
Je n'ai pas spécialement de souvenirs de la seconde partie de cette portion (majoritairement en descente avec quelques courtes remontées) qui nous amenait au ravitaillement de Gavarnie.

Portion plate en vallée sur un chemin de randonnée
Portion plate en vallée sur un chemin de randonnée

Au point kilométrique 37,3 (3063 m D+ et 3352 m D-) je suis ainsi passé en 7h19'45" (270/559).

Portion de 12,2 km avec 1522 m D+ et 952 m D- réalisée en 2h45', qui amène une observation majeure sur le dénivelé positif qui est bien plus significatif que ce que le tracé laissait entendre (autant de dénivelé positif que sur les premiers kilomètres) même si le relevé sur lequel je me base (issu du site de chronométrage) n'est pas en phase avec celui du roadbook (3063 m D+ versus 2361 m D+). Difficile de savoir si mes 45' au delà de mes prévisions pour cette portion s'expliquent par un dénivelé plus important ou un simple passage à vide.

De Gavarnie à Gèdre : 23,6 km avec 736 m D+ et 930 m D-

La prochaine portion ne coïncidant pas avec un ravitaillement, je regroupe les 2 segments Gavarnie - Refuge d'Espuguettes - Gèdre (cela rappellera à Ellène la longue période sans nouvelles puisque 4h30' ce seront passées entre un pointage quelques kilomètres après Gavarnie et le retour à Gèdre).

Photo du paysage, les montagnes au loin surplombées par des nuages blancs
Photo du paysage, les montagnes au loin surplombées par des nuages blancs

C'est la fin de journée et nous attaquons une montée en 2 phases avec une portion de plat les séparant. Je n'ai pas le souvenir de difficultés majeures et me remémore surtout d'un point de contrôle séparé du point de ravitaillement, les deux se trouvant sur la portion plate. C'est d'ailleurs au point de contrôle de l'Hôtellerie du Cirque que j'aurais mon meilleur classement sur la course.

Photo du paysage, le brouillard tombant sur les sommets au loin
Photo du paysage, le brouillard tombant sur les sommets au loin

Passé le ravitaillement au refuge d'Espuguettes, ce sont 400 mètres d'ascension - avec l'objectif en vue assez tôt - qui passent sans problème, puis s'amorce la descente (là aussi en deux temps) vers Gèdre.

Un lac en altitude
Un lac en altitude

Ce sera sur la dernière portion de la descente, en sous-bois et sur un terrain technique, qu'il me faudra me résoudre à sortir la lampe frontale que j'espérais n'avoir à sortir qu'en repartant de Gèdre.
Cette descente parût longue et, outre la tombée de la nuit, c'est aussi le brouillard qui s'est invité.

Au point kilométrique 60,9 (3799 m D+ et 4232 m D-) je suis ainsi passé en 12h45'48" (242/506).

Portion de 23,6 km avec 736 m D+ et 930 m D- réalisée en 5h25' contre 4h30' prévisionnelles, il y avait sans doute de quoi gagner du temps sur ce segment avant de se faire anesthésier par la nuit et le brouillard.

De Gèdre à Luz Saint-Sauveur : 12,5 km avec 605 m D+ et 929 m D-

Je sors du ravito après 25' d'arrêt comprenant la prise en charge d'un petit bobo dont la plaque de sang aura été bien plus impressionnante que l'éraflure du genou qui en était à l'origine, ainsi que la bascule des lunettes aux lentilles (qui soit dit en passant ne me quitteront plus pendant les 24h suivantes alors que je comptais repasser aux lunettes de soleil après la nuit). Je prends donc la direction de la base vie de Luz Saint-Sauveur avec 90' de retard sur mon plan de course.

Qui dit course de nuit dit moins de souvenirs me direz-vous ?
Cela fait déjà plus de 45 jours que la course a eu lieu mais un souvenir persiste à l'évocation de ce tronçon : mais qu'elle fût dure cette première montée pourtant anecdotique sur le papier. Les coureurs compagnons de galère croisés sur cette portion ont été unanimes, ces 2 km / 400 m D+ nous ont paru interminables et difficiles à la fois.
Heureusement, la seconde montée ne nous aura pas autant fait souffrir et la descente sur Luz Saint-Sauveur aura été l'occasion de se reprendre un peu (entre 1 et 2 km de bitume jusqu'à arriver à la base vie).

Au point kilométrique 73,4 (4405 m D+ et 5161 m D-) je suis ainsi passé en 16h38'32" (225/432).

Portion de 12,5 km avec 605 m D+ et 929 m D- réalisée en 3h30' contre 2h20' escomptées. Dans mes prévisions, je m'étais donné 120' à la base vie pour me ravitailler et tenter une sieste, même en repartant immédiatement j'aurais encore accusé 40' de retard sur mon plan de course (mais avec 4 km de plus à la montre).
Je prends donc mon temps et profite de ma toute première expérience sans assistance avec un sac de délestage. Pendant que je m'alimente (soupe, pâtes), je prépare de nouveaux habits, remplace les piles et complète mes réserves alimentaires. Il faut sortir pour remplir la poche à eau, j'en profite pour m'asperger les pieds à l'eau froide et les nettoyer avant de passer une nouvelle paire de chaussette.
La fatigue ne se faisant pas sentir, je décide donc de ne pas explorer la possibilité de dormir - appréhendant je l'avoue l'espace dédié proposé - et me contente d'une dizaine de minutes à plat sur le banc où je m'étais installé depuis le début dans la salle.

Moi au repos à la base vie, couché sur un banc de fortune
Moi au repos à la base vie, couché sur un banc de fortune

De Luz Saint-Sauveur au refuge de la Glère : 13,8 km avec 1207 m D+ et 161 m D-

C'est donc après 90' passée à la base vie en prenant mon temps également pour recharger la montre (principale raison pour laquelle je serais finalement resté aussi longtemps) que je rends mon sac de délestage (y laissant la GoPro) et repart à 3h du matin pour la seconde partie de la course.

C'est ainsi un tronçon de 13,2 km qui m'attend pour rejoindre le refuge de la Glère (qui soit dit en passant n'est pas bien placé sur la carte du suivi chronométrique puisque arrivant peu après le sommet) après avoir avalé 1500 m de dénivelé positif.

J'appréhendais, non pas le tronçon, mais le fait de repartir après un arrêt conséquent (d'où le sacrifice d'une vraie sieste), et je subis la montée qui devient de plus en plus difficile. En vrai, ce fût sans la portion la plus pentue de la course, mais la nuit et la fatigue n'aident pas vraiment à l'analyse. Concrètement, j'ai mis plus d'1h40' pour faire les 4 premiers km, lesquels cumulaient tout de même plus de 700 m de dénivelé positif (tout en partant de Luz avec une pente légère sur les premiers hectomètres).
Mentalement la course devient difficile et, voyant un coureur faire une sieste sur le bord du chemin, je me dis qu'avec la fatigue cela ne va pas s'arranger. Je décide donc de m'arrêter pour faire une micro-sieste à la belle étoile en espérant que cela soit un investissement rentable et qui me permette d'éviter une sieste en plein jour.
Pour ne pas inquiéter les autres coureurs, je me mets à l'écart du parcours et met la lumière rouge sur ma frontale, mais cela n'en aura pas empêché certains de m'interpeller (sans pour autant venir jusqu'à moi) pour savoir si tout allait bien. Je me règle un premier réveil sur 20' de sieste, mais je ne ressens pas l'endormissement et le réveil sonne sans que je n'ai eu l'impression de pouvoir en tirer un bénéfice. Je remet donc 25' qui se passent un peu mieux et que je qualifierai de somnolence.
Il fait froid, la gorge a pris pendant cet arrêt, il n'est donc pas question de s'éterniser d'une part par rapport à la température, d'autre part de jouer avec la barrière horaire qui - sur la base d'un coup de moins bien - peut vite devenir menaçante (en tout cas, ça calcule dans ma tête).

Pas convaincu par les effets possibles de cet arrêt, je rejoins le parcours ... et fait face à un mur : une montée qui m'aurait achevé 1 heure plus tôt et que j'aborde sans difficulté désormais. Comme quoi, il ne faut pas hésiter à se forcer à dormir, même juste quelques minutes, sous prétexte qu'on ne sens pas la fatigue : la réflexion rejoint en quelque sorte un peu la réflexion sur l'hydratation qui vise à indiquer qu'il faut s'hydrater avant d'en ressentir le besoin.

Quoi qu'il en soit, je repars dans de bonnes conditions pour finir cette montée et aborder la descente vers le ravito en eau de la Cabane de Sardiche. Le soleil se lève, j'attaque la seconde montée et profite du paysage tout en me concentrant sur le terrain technique après le ravitaillement (grosses pierres / plaques) et monte tranquillement en prenant le temps d'immortaliser les lieux.

Terrain technique rocailleux / herbeux
Terrain technique rocailleux / herbeux
Panorama sur le fond de vallée et les montagnes au loin
Panorama sur le fond de vallée et les montagnes au loin
Photo d'un brouillard blanc neige qui recouvre l'horizon duquel dépassent quelques montagnes
Photo d'un brouillard blanc neige qui recouvre l'horizon duquel dépassent quelques montagnes

Après une portion un peu moins technique, le terrain redevient technique avec le sommet en vue mais tout une boucle le long de la paroi montagneuse à faire.
La descente vers le refuge de la Glère présente elle aussi quelques difficultés techniques, mais se passe sans problème avec vue sur les lacs.

Photo illustrant plusieurs lacs en altitude dont le plus lointain encadré par des montagnes
Photo illustrant plusieurs lacs en altitude dont le plus lointain encadré par des montagnes

Au point kilométrique 87,2 (5612 m D+ et 5322 m D-) je suis ainsi passé en 24h20'09" (288/383).

Portion de 13,8 km avec 1207 m D+ et 161 m D- réalisée en 6h11' si on intègre la sieste, contre 3h45' prévues initialement. Il s'agit également de ne pas trop traîner au ravitaillement puisque le prochain n'est pas très loin et qu'aucune véritable montée ne les sépare.

Du refuge de la Glère à Tournaboup : 6,8 km avec 622 m D+ et 819 m D-

J'interroge les bénévoles sur le profil qui nous attends, et une bénévole nous indique que c'est roulant car nous empruntons un chemin forestier (à découvert). Cela me motive et je me dis qu'en bon descendeur je vais pouvoir me refaire un peu sur mes désormais 4h30' de retard sur le plan prévisionnel.

Que nenni, si les 500 premiers mètres correspondent bien à un chemin forestier un peu caillouteux permettant d'allonger, soudainement le parcours nous fait couper par des portions beaucoup plus sauvages et largement plus techniques. Par moment, nous retrouvons le chemin forestier pour repartir de plus belle sur des portions moins sympa (non mais vous pensiez quoi ? le GRP a une réputation à tenir ;-) ). J'ai notamment souvenir d'une portion à faible dénivelé avec de grosses pierres pour laquelle des coureurs devant moi ont préféré poursuivre sur la route forestière (et finalement prendre grosso modo le même temps que moi pour atteindre la jointure) mais surtout d'un OVNI courant sur l'Ultra Tour qui m'a doublé sur cette portion hautement technique avec une foulée et une assurance qui fait rêver. Il restera ensuite un faux plat descendant sur bitume à aborder pour arriver jusqu'à la station de Tournaboup.

Au point kilométrique 94 (6233 m D+ et 6241 m D-) je suis ainsi passé en 26h05'17" (285/381), les positions commencent à se stabiliser.

6,8 km avec 622 m D+ et 819 m D- en 1h35' (contre 1h50' prévus), mais j'avoue avoir du mal à voir où se situent le D+ annoncé sur le site de chronométrage).

De Tournaboup au Restaurant Merlans : 15,7 km avec 2183 m D+ et 1838 m D-

Je m'étais donné 80' de pause en prévision à Tournaboup, finalement je n'y ai passé que 33' (majoritairement pour laisser du temps à la montre de se recharger) puisque l'horaire n'est pas des plus indiqués pour une sieste et qu'il est plus pertinent d'attaquer la montée avant que la chaleur ne s'accentue. Je repars donc avec 2h20' d'avance sur la barrière horaire initiale et 5h20' sur la nouvelle barrière horaire puisqu'on nous a annoncé qu'en raison du brouillard dans la nuit certains coureurs s'étant perdus, l'organisation a décidé de repousser les barrières de 3 heures.

Au sortir du ravitaillement de Tournaboup, c'est la dernière montée significative qui s'offre à nous, et je l'aborde serein en gardant un rythme constant, limite à l'économie, sans me laisser influencer par le nombre de coureurs qui me doublent. En effet, ce tronçon réunit plusieurs courses et il devient difficile de se jauger aux coureurs qui nous dépassent sans chercher leur dossard pour savoir s'ils sont sur la même course. En particulier, il est primordial de ne pas se laisser intimider par les coureur de l'Ultra Tour en relais qui déboulent et ont forcément un bon état de fraîcheur.

Après une première partie assez simple sur laquelle il était possible de courir, la pente s'accentue et le terrain devient également technique pour arriver à un ravitaillement (sur lequel je me suis là encore laissé du temps - bien 20' - pour charger la montre) à un fin de montée assez éprouvante puisque sur 1,4 km il fallait avaler 313 m de dénivelé positif pour rejoindre le Col de Barèges.

La montagne et un terrain laissant à peine distinguer le chemin à emprunter
La montagne et un terrain laissant à peine distinguer le chemin à emprunter

Puis vint la descente vers la Cabane de Lude qui présentait quelques difficultés techniques mineures, plutôt amplifiées par un sol détrempé, mais une bonne largeur de chemin.

Seconde différence majeure entre la lecture / préparation du parcours et la réalité, les 2,7 km (pour 213 m de D+) de montée pour rejoindre le Restaurant Merlans n'ont clairement pas été respectés et nous sommes semble-t-il descendu plus bas que prévu pour ainsi cumuler davantage de dénivelé. Je ne saurais l'illustrer puisque c'est en plein dans la montée que ma montre s'est éteinte malgré les nombreux temps de charge que je lui avais concédé pendant les ravitaillements ;)

Cette avant-dernière montée prend des allures de rallonge, et nous tombons même, au sortir d'un virage, sur un troupeau de vaches qui nous bloque le chemin et nous oblige à contourner par les pâturages pour un peu plus loin rejoindre le dernier ravitaillement avant la tant attendue arrivée avant laquelle l'humidité, le froid, et le brouillard m'auront obligé à m'arrêter pour mettre la veste.

Au point kilométrique 109,7 (8416 m D+ et 8079 m D-) je suis ainsi passé en 33h32'21" (305/359)

J'ai rendu 20 places dans cette portion sur laquelle je n'ai pas forcé puisque les 15,7 km avec 2183 m D+ et 1838 m D- ont été parcouru en 6h55' (contre 3h35' prévus).

Du Restaurant Merlans à Vielle-Aure : 13,7 km (pour 354 m D+ et 2848 m D-)

Après m'être bien ravitaillé, je repars pour la dernière ligne droite qui démarre par une montée : les derniers 177 m de dénivelé positif jusqu'au col de Portet.
Puis c'est une descente relativement douce et roulante qui s'offre à nous jusqu'à retrouver la civilisation. Malgré les petites douleurs inévitables après tout ce cumul, je prends plaisir à courir et à essayer de suivre tout coureur qui vient de l'arrière. Même dans les portions un peu plus techniques et pentues, les cuisses avaient encore de quoi encaisser l'attaque de la descente.

C'est ainsi que le bitume s'offre à nos pieds et que ma montre (rechargée un minimum pour au moins avoir l'heure) affiche 21h45'. A ce moment je n'ai plus trop l'esprit à calculer et estimer ce qu'il pourrait me rester, je me souviens juste de bénévoles qui disaient que les 2 derniers km se faisaient sur route. Je me sens alors libéré et mobilise les dernières réserves pour avaler ce que je pense être les 2 derniers km et finir avant 22h.
Soudainement, nous retournons dans les bois et, passés quelques hectomètres je me désunis comprenant que j'ai accéléré prématurément. Il y aura sans doute entre 2 et 3 km de portion dans les bois peu favorable à la course sur lesquels j'avancerai en marchant, ceci jusqu'au point de contrôle de Vignec qui annonça les fameux 2 derniers km sur bitume.

Ce n'est évidemment pas avec le même entrain que je les aborde, ayant grillé mes cartouches, mais tout de même en courant, et pour finir ces 123,4 km (pour 8770 m D+ et 10927 m D-) en 36h44'30" pour finir 299ème sur 358 arrivants / 580 partants !

Malgré ce raté lié à l'absence de repères, j'aurai tout de même parcouru le dernier tronçon en 3h soit le temps que j'avais planifié dans ma feuille de route, preuve en est que de ne pas trop forcer dans les montées m'a permis d'en garder pour la fin de parcours (de nuit de surcroît).

Moi à l'arrivée avec la médaille finisher
Moi à l'arrivée avec la médaille finisher

Une expérimentation

Je voulais finir ce billet par le partage d'une expérimentation. Celle d'un assortiment "maison" de noix et fruits secs que j'ai constitué et emporté pour la course.

Les noix sont en provenance directe de notre artisan de la noix local, j'ai nommé SuperNuts qui m'a gentiment approvisionné en vrac pour l'occasion (nous ne nous sommes pas privés de prendre de quoi faire plusieurs apéro).

Les fruits secs bio ont eux aussi été pris en vrac à La Vie Claire.

Déjà adepte de différents mélanges qu'on peut trouver dans le commerce (Tribe et Acti-Snack pour ne pas les nommer), je suis satisfait du résultat et renouvellerai l'expérience.

Par contre, de là à vouloir expérimenter mes propres barres faites maison, il va falloir se libérer davantage de temps pour pouvoir franchir le pas.