Développement personnel et intelligence collective

Le 16 juin 2016, je suis intervenu à Agile France pendant 100 minutes sur une présentation intitulée Libérez vos talents.

Dans ce billet, j'évoque une nouvelle contribution - non évoquée lors de la présentation initiale - reçue de la part de Timothée Chevrier et Laurent Minguet pour la société SII.

Présentations

Pouvez-vous rapidement vous présenter pour le lecteur ?

Timothée -

J'ai 33 ans, 11 ans passés en ESN. Je suis en couple et heureux papa de 2 enfants. Mon parcours est plutôt classique : développeur puis analyste puis chargé de projet puis chef de projet. La découverte de l’agilité est un pivot dans mon parcours. J'ai évolué progressivement vers le rôle de consultant Agile en restant fortement impliqué dans les projets. Au delà des valeurs de l'agilité, je suis passionné par les mouvements naissants dans les entreprises, et ailleurs, qui s'appuient sur l'humain et l'intelligence collective.

Laurent -

J'ai 44 ans, bientôt 20 ans d'expérience professionnelle dont plus de 17 passés chez SII. Je suis marié, père de famille de 3 enfants. Issu d'une formation par l'apprentissage, cette notion d'apprendre par l'expérience est bien ancrée dans ma manière d’aborder les choses. Investis dans différentes associations, je pense que chacun peut faire un petit quelque chose pour le bien commun pour faire avancer le tout. Depuis la formation suivie avec Sylvie Lebail (voir plus loin), je l'applique encore plus au quotidien dans mon milieu professionnel en allant chercher les talents de chacun pour les mettre au profit du collectif.

Que pouvez-vous dire au sujet de votre employeur avec lequel vous vous êtes associés dans la démarche que nous allons évoquer ?

Timothée -

SII Ouest est une société de 450 collaborateurs qui a pris conscience que le monde du travail (en particulier l'informatique ?) est en pleine évolution pour de multiples raisons. Ce n'est pas une entreprise parfaite mais je sens une volonté d'agir plutôt que de subir ces changements, en s'appuyant sur toutes les bonnes volontés et leurs idées.

Laurent -

Chez SII nous avons cette possibilité d'expérimenter, de tenter des actions, de proposer des initiatives. Cela nous permet de nous investir dans notre entreprise pour faire avancer les choses

Qu'est-ce qui se cache derrière l'apprentissage du Colibri, en quelques mots ?

Timothée et Laurent -

Nous avons tous les deux suivi une formation autour du leadership et nous avons souhaité la décliner pour tous nos collègues via un programme d'apprentissage autour du développement personnel et de l'intelligence collective.
Nous y abordons l'analyse transactionnelle, la notion de talent au travers de L'élément (Ken Robinson), les entreprises libérées, start with why (Simon Sinek), les stades de maturité, le cycle de l'autonomie, les cadres de références, la Communication Non Violente, etc.

L'apprentissage se déroule sur 4 mois avec 4 journées théoriques comprenant des ateliers de mise en situation. Nous avons aussi 3 soirées d'échanges où les participants échangent sur leur propre vécu et leurs difficultés que l'on analyse en groupe en utilisant la théorie.

Bien évidemment, la référence au Colibri est un message clé du parcours :

Genèse

Comment vous êtes tombés sur la formation au leadership qui vous a inspirés, et en quoi consistait-elle ?

Timothée -

Sylvie LE BAIL & Yvan GALISSON ont animé une formation inter-entreprise “Osons le leadership” dont j'avais eu vent par le bouche à oreille chez SII. J'y ai vu un moyen de mieux trouver sa place dans l’entreprise.

Laurent -

J'étais en attente d'éléments sur le développement personnel, la dimension humaine, et j'ai eu l'occasion de rencontrer Sylvie lors d'Agile Tour Rennes.
Après l'avoir rencontrée pour échanger sur le contenu de la formation en rapport avec mes attentes personnelles, je me suis dit que c'était l’accompagnement que je recherchais

Timothée et Laurent -

Nous avons tous deux eu le feu vert de l'employeur pour participer à cette formation inter-entreprise.
La formation a eu lieu au second semestre 2014 et s'est étalée sur 6 mois par l'intermédiaire d’un cycle de 36h. Les formats sont variés puisqu'il y a bien entendu une dimension collective via du présentiel alliant théorie et pratique, mais également un accompagnement individuel.

Outre l'idée Colibri, qu'est ce que cette formation a provoqué comme changement chez vous ?

Laurent -

Elle m'a permis de changer ma façon d'être en entreprise : j’étais et suis toujours très impliqué dans des activités extra-professionnelles, et avec cette formation je me suis vu également m'impliquer à l'échelle d'une entreprise comme SII.

Timothée -

La formation m'a amené vers un premier changement et pas des moindre est l'acceptation de l'autre tel qu'il est sans vouloir le changer, et le corollaire qui est de travailler sur soi avant tout. Le deuxième principal changement est un éclairage sur le fait que cette passion pour l'agilité qui m'anime n'est qu'un reflet d'un intérêt plus général pour accompagner les groupes/équipes vers le mieux travailler ensemble.

Au moment de participer à la formation, aucun d'entre vous n'avait-il pas quand même en tête d'aller plus loin, en terme d'initiative, chez SII pour mettre à profit la formation au delà de son quotidien en tant qu'individu ?

Timothée -

Osons le Leadership était pour moi une formation individuelle qui allait m'apporter de nouveaux outils pour mieux travailler avec les managers en général. Donc NON, aucune idée de ce qui allait arriver après.

Laurent -

Au début de la formation, je ne pensais pas que cela allait amener ce changement si fort chez SII avec l'arrivée du programme d'apprentissage Colibri.

Combien de temps s'est écoulé entre la formation initiale, l'idée, le lancement, la première édition ?

Timothée et Laurent -

  • Formation initiale : juillet - décembre 2014
  • Idée : février 2015
  • Travail sur le Why de février à juin
  • GO Direction : juin 2015
  • Première édition : octobre 2015 - mars 2016

Nous sommes d'ailleurs sur la fin de la seconde édition (novembre 2016 - mars 2017) pour laquelle nous continuons de piocher à droite à gauche pour faire évoluer notre programme d'apprentissage. Nous sommes notamment acteur d'un meetup "Osons le leadership" qui nous offre des moments de réflexion et de partage très importants par rapport à notre démarche.

Construction et déroulement du programme d'apprentissage

Colibri est-il un clone de la formation “Osons le leadership” ?

Timothée et Laurent -

Il ne s'agit pas d'un copier coller de la formation que nous avons initialement suivie. En particulier, nous avons complété certains éléments issus de la formation “Osons le leadership” par des éléments issus de la Process Com. Une grande partie des sujets sont en effet traités dans “Osons le leadership”, mais nous en avons rajoutés d'autres (Process Com, développement de la gestion des points forts, identification de son propre talent) et n'avons conservé qu'une part modeste d'analyse transactionnelle (socle de la formation initiale).

Pour autant, nous avons eu dans le cadre de l'élaboration de cet apprentissage des échanges avec Sylvie sur la démarche, et avons donc pu bénéficier d'un coaching de sa part. Le rôle de Sylvie (coaching de 3 à 4 jours répartis sur 4 à 5 mois) s'est concentré sur du conseil, un garde fou, un relais et un point de vue extérieur pour nous aider à échanger sur le projet avec notre Direction notamment.

Comme il n'y a pas de raison de changer une méthode qui fonctionne, il y a de fortes similitudes sur la partie pratique puisque nous attendons que chacun vienne avec ses propres éléments / expériences. Une différence néanmoins se trouve dans la partie pratique en collectif puisque nous demandons un engagement de chaque participant sur les 3 soirées (18h-21h non compté dans le temps de travail). Cet engagement symbolise pour nous l'implication de chaque participant.

Nous commençons notamment le parcours d'apprentissage par une soirée d'inclusion dans un bar à Rennes (chacun ramène un objet symbolique), veille de la première journée, visant à faire tomber les masques / faire venir les gens comme ils sont. Le cycle d'apprentissage se termine par une soirée de clôture au restaurant avec débriefing et bowling, le tout en présence de Xavier notre Directeur d’Agence.

Y-a-t'il d’autres particularités dans le déroulement de l'apprentissage du Colibri.

Timothée et Laurent -

A notre initiative, le Directeur d'Agence (Xavier) vient ouvrir la seconde journée pour présenter sa vision pendant une heure, échanger et répondre aux questions.

De plus, la dernière après-midi vise à réunir le groupe autour d'un effort / projet commun (ex. promouvoir Colibri chez SII Ouest à travers une vidéo à destination des collaborateurs)

Combien de salariés a réuni la première édition ? Quels types de profils ?

Timothée et Laurent -

Même en étant deux, nous avons pour volonté de limiter une session à 8-10 participants.

Pour la première édition nous avons réuni 8 participants, alors que pour la seconde édition nous sommes finalement montés à 13, soit le nombre de personnes ayant répondu à l'invitation initiale formulée à un panel de 50 collaborateurs identifiés par le management). Finalement 13 est une limite très haute.

Nous voulions des profils variés (pas que des managers) et il y a eu une bonne diversité représentative des effectifs SII Rennes. Pour la seconde édition, nous avons également pu matérialiser une mixité dans les participants dans la mesure où deux collaboratrices ont fait partie du groupe.

Une démarche en lien avec l'employeur

Comment l’employeur a-t-il adopté cette démarche ? Est-ce considéré comme une formation interne ?

Timothée et Laurent -

Nous avons eu une première discussion avec les ressources humaines Maud et Amélie, puis avec Xavier (Directeur d’Agence) et Christian (Directeur des Opérations).

Le public est bien interne, cependant nous ne le considérons pas comme une “formation” mais plutôt comme un “apprentissage”. Même si la dénomination en interne reste celle d'une formation, ce n'est pas présenté et perçu comme une formation classique dans le référentiel de formations chez SII.

Quels sont les moyens que l'employeur vous apporte pour construire cette démarche et l'entretenir ?

Timothée et Laurent -

Tout a évidemment commencé par cette formation “Osons le leadership” que nous avons déjà évoquée.

Pour la suite, il faut savoir qu'une grande confiance s'est mise en place entre la Direction et nous sur les moyens nécessaires au bon déroulé de cet apprentissage. Nous prenons donc le temps nécessaire en toute autonomie, tout en validant les moyens exceptionnels lorsque cela est nécessaire.

Pour la première session, cela représente donc les investissements suivants :

  • de février à juin Timothée a pu se libérer du temps en marge de sa mission, et Laurent a pu trouver par moment du temps étant donné qu'il a davantage de libertés sur l’organisation de son temps tant qu’il répond aux enjeux de son poste.
  • sur la période juin à octobre nous avons pu consacrer plus d'une vingtaine de jours à l'apprentissage

Amélioration continue et avenir

Quels changements avez-vous apporté pour la seconde édition ? Des idées pour la suite ?

Timothée et Laurent -

Nous avons suivi une proposition émise par des participants à la première édition, à savoir mettre en place un système de parrainage entre participants à la première édition et participants à la seconde édition. Nous ne pouvons pas en dire grand chose dans la mesure où nous les laissons faire.

Est-ce aujourd'hui uniquement destiné aux salariés SII Rennes / Ouest / SII France ?

Timothée / Laurent -

Les deux premières éditions ont concerné uniquement les collaborateurs de Rennes pour des questions de logistiques et de (taille de) public, mais rien n'est fermé pour les autres localisations SII.

Cependant, le parcours reste lié à un état d'esprit, véritable pré-requis à ce que la démarche prenne, et chaque agence a sa propre identité locale. Il pourrait donc être judicieux de trouver et aider des homologues motivés pour reprendre le concept et le décliner avec leur sensibilité et l'identité de leur agence.

Peut-on imaginer que ce soit décliné en marge d’une conférence, à l'image d'initiatives récentes ?

Timothée -

J'ai déjà (et continue de) déclin(é)er des morceaux / extraits en meetup / conférence. L'apprentissage forme un tout. Il n'est pas toujours évident d’isoler des concepts et de les sortir de ce TOUT. C'est toujours possible mais je me demande si c'est souhaitable. Par exemple, j'envisage d’animer un atelier OSBD (CNV) sur un midi. Mais nous n'aurons pas le temps d'aborder la CNV en général et aussi de faire le lien avec Colibri...

Et la libération de potentiel / talent ?

Qu'est ce que cela vous a apporté / apporte à tous les deux ?

Timothée et Laurent -

Concernant Timothée, cela lui a permis de prendre une posture de coach en interne sur le thème “mieux travailler ensemble” au niveau de la direction opérationnelle, et donc d'accentuer son implication dans l'entreprise.

Cela nous a également procuré de la reconnaissance, à commencer par un Award pour l'initiative 2016 chez SII Ouest. Nous percevons également une forme de reconnaissance de la part des RH dans la mesure où nous avons gagné en légitimité à les aider sur un / des sujet.s qui leur revient au départ. En effet, nous participons notamment à des groupes de travail sur le sujet de la fidélisation et du management des collaborateurs.

Colibri a-t-il eu des impacts indirects chez SII

Timothée et Laurent -

Le parcours a sans doute contribué au changement de posture de certaines personnes. Cependant, il est délicat d’attribuer des impacts à l'apprentissage du Colibri, puisqu'on parle de toucher la personne dans ce qu'elle est ou ce qu'elle fait. C'est donc un parti pris de ne pas chercher à mesurer ces impacts.

Chez SII Ouest cela nous permet de proposer une ouverture vers différentes postures et thématiques, comme le manager autrement, l'innovation managériale, l'entreprise de demain.

Avez-vous des exemples concrets de libération de talents (hormis vos cas personnels) ?

Timothée et Laurent -

Peut-être certains participants voudront commenter l’article pour témoigner ? C'est finalement à eux de répondre à cette question. Certaines discussions nous laissent penser que Colibri est une petite graine que certains ont décidé de faire germer.

Quelle est la suite des aventures ?

Timothée et Laurent -

Nous sommes convaincus que ce partage doit perdurer, peu importe la forme. C'est notre manière d’agir en tant que Colibri. Aujourd'hui, nous nous investissons dans d'autres projets chez SII Ouest qui sont indirectement lié à Colibri. On a pris un chemin, on sentira là où il va falloir aller :)

Leçon(s)

Le leadership de soi et le leadership au sein d'un groupe sont de plus en plus des clés de réussite de l'expérience salarié. A travers ce récit, nous pouvons retrouver l'une des tendances du moment qui consiste à privilégier la work-life fusion à la work-life balance : pour un meilleur épanouissement il est primordial que l'individu ne rejette pas en entreprise ce qu'il est en dehors de l'entreprise. A travers les sujets abordés dans l'apprentissage du Colibri, relevant desdites soft-skills, l'individu est également nourri pour sa vie de tous les jours.

Le renforcement d'une culture d'entreprise repose sur un passage obligé : l'intervention des forces en présence plutôt que la délégation à des experts externes à l'entreprise. En laissant de la place pour que cette initiative se construise, le management de SII Ouest s'est doté d'un formidable outil pour faire émerger un sujet de préoccupation que les salariés peuvent associer à l'ADN de leur agence locale, véritable élément identitaire.

L'articulation du dispositif défini comme un apprentissage et non une formation renforce également l'idée qu'un savoir sera d'autant mieux assimilé si on espace et alterne les moments de théorie, de pratique, et de suivi, et qu'on développe la dimension de suivi / coaching individuel qui fait défaut sur les modalités classiques de formation. Sur des savoirs plus opérationnels / techniques, avec le renouveau de l'e-learning, ce genre de dispositifs sur la durée me semble également très différenciant et gage d'un meilleur apport pour l'individu.

Enfin, ce récit illustre évidemment l'idée que la libération de talents et l'émergence de bonnes idées peut être catalysée par l'employeur si celui-ci accepte sa part d'investissement initial. Cela me fait beaucoup penser à la perte acceptable qui est une des dimensions essentielles présentée dans la démarche entrepreneuriale qu'est l'effectuation.

Vous avez des initiatives / histoires à partager sur le thème de la libération des talents, voire d'actions favorisant l'esprit d'entraide et la montée en compétence ? Je vous invite à échanger sur le sujet avec moi.