De la foulée naturelle à la marche naturelle

Mi-octobre 2016, je prenais contact avec les chaussures de running en zéro drop via un essai avec la marque Altra (chaussures Torin) à l'occasion d'une sortie organisée par Le Marathonien de Sartrouville.

Courant déjà à faible drop avec des Saucony Xodus (4 mm) et souhaitant renforcer l'adoption d'une foulée médio-pied, je saute le pas peu de semaines plus tard avec l'achat de ma première paire d'Altra en route (Torin) et profite de soldes en ligne début décembre pour la compléter avec une paire en trail (Superior).

Convaincu qu'entre la pratique running / trail et les déplacements de tous les jours il n'y a qu'un pas, je m'interroge sur la mise en adéquation de mes chaussures de tous les jours avec la démarche de foulée naturelle. Les five fingers de Vibram font office d'évidence, pour autant je ne m'y projette pas au quotidien, notamment dans tout contexte professionnel.
C'était sans compte la période de soldes de janvier qui m'a naturellement amené chez Vivobarefoot.

Pourquoi le minimalisme avec les chaussures du quotidien ?

Le lecteur vigilant m'interpellera sans doute sur le fait que je parle de zéro drop à la course avant de parler de minimalisme dans les chaussures du quotidien. En effet, le lien n'est pas direct dans la mesure où si minimalisme induit très souvent zéro drop, l'inverse n'est pas si vrai puisque dans le running / trail plusieurs marques ont développé des chaussures à faible drop qui sont loin de suivre une approche minimaliste.

Un modèle maximaliste à drop tendance minimaliste (source Dose de Trail)

Le runner / trailer aguerri aura deviné que je met ici en avant la marque Hoka avec son principe d'oversizing. Ce n'est évidemment pas la seule marque à mêler foulée minimaliste avec amorti maximal. Par exemple, chez Altra les chaussures à zéro drop sont classées selon la qualité de l'amorti : léger / modéré / maximal. Ainsi une Altra Olympus pourra se rapprocher d'un modèle maximaliste alors qu'une Altra One sera plus proche d'un modèle minimaliste, les deux étant en zéro drop.

Revenons en à l'intérêt de la chaussure minimaliste dans le quotidien. Les chaussures modernes coupent le pied de toutes sensations avec le sol et des interactions bénéfiques avec celui-ci. Pire, elles amènent certains muscles du pied à prendre prématurément leur retraite avec pour conséquence sur le long terme des déformations du pied et des effets néfastes sur certains membres comme les genoux, mais de façon plus générale sur la posture.
De plus, les chaussures modernes introduisent un faux problème : l'amorti du talon. Ces mêmes chaussures qui nous amènent contre nature à poser d'abord le talon (marchez pieds nus et vous comprendrez) nous rendent dépendants d'un principe d'amorti qui va contribuer à précipiter le départ à la retraite des muscles du pied.

Recourir à des chaussures minimalistes (encore appelées barefoots) vise donc à redonner à nos pieds des sensations proches d'une marche pieds-nus, soit un mouvement plus naturel, et à notre corps une position plus naturelle.
Parmi les bénéfices qui m'intéressent en tant que coureur : la promesse de préserver genoux et hanches, une meilleure répartition du poids du corps, une sollicitation de la musculature du pieds, ainsi qu'une stimulation sensorielle.

Ayant en début d'année les prémisses de ce qui s'avérera être une périostite tibiale, je ne doute pas un instant qu'utiliser des chaussures minimalistes au quotidien va m'aider dans ma transition vers le zéro drop avec amorti faible ou modéré.

L'achat

J'ai donc jeté mon dévolu sur le modèle Drake Mens en taille 41 qui se trouvait être soldé à 85 € (+11 € de transport en livraison standard).

Je n'aurai pas de news entre la confirmation de commande et l'arrivée du produit dans la boîte au lettres (via gardien) 10 jours plus tard. Produit arrivé à bon port et relativement protégé dans son emballage (boite à chaussures à l'intérieur d'un emballage postal plastique).
L'envoi s'est fait depuis la Grande-Bretagne (Birmingham) en Priority A et il s'est passé une semaine entre l'envoi et l'arrivée. Pour une livraison standard en période de soldes, j'ai plutôt eu de la chance par rapport aux conditions d'envoi récapitulées sur le site (onglet Europe) qui puisque j'étais plutôt dans les délais d'une livraison premium (sans évidemment le suivi). Le bon de livraison liste différentes anomalies pouvant motiver un retour.

Dans le mail de confirmation figurait "Very soon, your order will be dispatched from our warehouse. Once it's in the post we'll email you to confirm that it's on its way.", donc j'imagine qu'il y a eu un raté dans l'envoi de mail (à moins que je ne l'ai tout simplement supprimé (in)volontairement). A l'occasion d'une autre commande, j'ai pu constater l'envoi d'un mail informant de l'envoi.

Le grand déballage

Le packaging est assez qualitatif et très similaire à ce que j'ai pu découvrir avec Altra.

  • des consignes / recommandations inscrites sur la boîte elle même (face intérieure)
  • un petit livret explique l'histoire de la marque, la philosophie, et mets en avant quelques modèles

C'est l'heure de la pesée : toutes habillées, mes vivo pèsent 509 grammes la paire, soit 255 grammes la chaussure. C'est d'un léger comparé à mes chaussures habituelles (modèle Méphisto à 933 grammes la paire) mais finalement légèrement plus lourdes que mes Altra Superior (249 grammes la chaussure) qui sont le modèle le plus minimaliste en trail d'Altra.

Premiers contacts avec le pied

Les habitudes sont durement ancrées, et j'ai du mal à enfiler les chaussures les premières fois sans bien détendre les lacets et provoquer l'écartement nécessaire pour que j'évite d'écraser bêtement l'arrière (très souple) en voulant - comme à mon habitude - jouer sur la résistance face à la pression de mon talon.

Heureusement, la petite languette à l'arrière de la chaussure s'avère être d'une bonne aide pour maintenir une ouverture et passer le talon sans écraser tout l'arrière de la chaussure sur son passage.

Retour sur les 10 premiers jours de port

Je vous livre ici les notes (brutes) prises au fil de l'eau.

Jour 1 :
Journée découverte, sensation de légèreté, ressenti du contact au sol et surtout de la pose talon qui du coup parait bizarre. La journée s'est bien passée (10000 pas + sortie de 10 km en zéro drop également) et de petites sensations dans le corps, comme si tout s'ajustai doucement à une nouvelle posture provoquée par les chaussures.
Jour 2 :
Sensation d'entraînement quand je pousse la poussette, à la limite de me laisser aller et trottiner. Également quelques indices qui me laissent penser que ma pose de pied est déjà en train de changer : je tape par moment avec la pointe du pied lorsqu'il y a un léger relèvement du revêtement (ou pas), signe que je rase le sol avant l'avant-pied avant la pose talon.

Un peu de footing par alternance pour arriver à l'heure au déjeuner, bonnes sensations.

Un mal de crâne, accompagné d'une douleur au cou sur la gauche, dans l'après-midi dont je ne sais pas identifier les causes.
Encore près de 10000 pas réalisés en vivo.
Fin de journée avec les chaussures habituelles (un peu moins froid aux pieds du coup).
Jour 3 :
Petite douleur au pied gauche sur le dessus de l'articulation menant au gros orteil, peut être lié à la sortie running en jour 1 (pas d'alerte, c'est une douleur passagère déjà ressentie avec d'autres chaussures par le passé). Douleurs aux cervicales.
Jour 4 et 5 :
Pause car trail en J5
Jour 6 :
Retour de la douleur pied gauche, sensation d'humidité sous le pied à vérifier (une paire de chaussettes par dessus les chaussettes de compression => avec le réchauffement disparition de la sensation de froid). Bonne transition pour le reste.
Divers ressentis étranges sous le pied droit qui se sont avérés liés à la semelle qui avait glissé en arrière et que je n'avais pas repositionnée convenablement le matin.
Jour 7 :
Toujours une légère douleur, RAS sinon.
Jour 8 :
La douleur a disparu, cela corrobore ma théorie de la douleur post trail indépendante de la chaussure. RAS si ce n'est la semelle qui glisse tout doucement vers l'arrière au fil de la journée
Jour 9 :
Ma douleur au tibia est bien vive au matin, mais ce n'est pas spécialement lié aux chaussures. Par contre, il ne faut pas de grande/intense activité pour que la semelle droite glisse de plusieurs centimètres vers l'arrière et créé de l'inconfort.

Fabricant interpelé sur twitter, il n'aura jamais daigné répondre.
Jour 10 :
Pause

Quelques ajustement et c'est reparti pour une semaine

On poursuit encore avec les notes (brutes) prises au fil de l'eau.
Jour 11 :
Je remplace les semelles déficientes par mes semelles Kinepod et observe également l'effet sur ma démarche et la douleur au tibia.
Jour 12
Pause
Jour 13 :
La douleur au tibia reprend (lié à ma sortie running la veille), plus étonnant : gène aux talons causée par la semelle Kinepod, et par conséquent une démarche un peu moins fluide. Les chaussettes ?
Jour 14 et 15 :
Pas de douleur, la gène se dissipe (c'était les chaussettes) mais je sens bien les semelles et leurs changements de surface. Elles ne se fondent pas autant dans la chaussure que sur des chaussures habituelles.
Jour 16 et 17 :
Les semelles commencent à se faire plus discrètes.

Quelques ressentis au delà du premier mois

Les jours où je marche beaucoup et surtout vite, les semelles Kinepod (et leurs petits défauts d'usure) se ressentent surtout.

J'ai eu à faire avec de fortes précipitations en soirée mais les Vivo ont bien tenu le choc : mes pieds sont restés au sec et les chaussures étaient sèches le lendemain matin.

Derniers ajustements après 5 mois

Au bout de 5 mois d'usage quotidien, je me décide à commander des semelles Vivo (sans préméditation/vérification, je commande les mêmes que celles d'origine). Je remplace mes semelles Kinépod par les nouvelles semelles Vivo et je constate un gros changement dans le ressenti : les semelles Kinépod avec leur rigidité limitaient les sensations "nature" et désormais c'est très différent et je ressens un véritable regain de proprioception.

Un mois plus tard les semelles sont toujours en place : je suis convaincu que le problème rencontré avec les semelles d'origine ne se reproduira pas, ce qui amène néanmoins des interrogations.

La première : ce déplacement vers l'arrière des semelles d'origine est-il lié à la position initiale des semelles ? Je me rappelle qu'elles n'étaient pas stables lorsque je rentrais / sortais mon pied, donc au delà de la position initiale j'ai eu moi même à les remettre plusieurs fois. A l'inverse, j'ai pris mon temps sur les secondes semelles achetées pour les positionner et elles n'ont jamais bougé pendant la chausse / déchausse (et évidemment la marche) ?

La seconde : sur la base du ressenti de proprioception, la transition n'aurait-elle pas été trop difficile avec les semelles Vivo ? Finalement, les semelles Kinépod n'auraient-elle pas favorisé une transition en 2 étapes, moins traumatisante ?

Bilan

Feeling is everything et Less is more sont quelques phrases  accroches de Vivobarefoot, et je ne vais pas les contredire.

Un autre message fort est Walk before run, qui lui aussi s'applique bien dans la démarche que j'ai suivie, même si je la qualifierai plutôt de Walking while running faute d'avoir fait les choses dans un ordre séquentiel (séquentialité que ne trouve pas forcément pertinente, je jouerai plutôt sur l'intensité comme facteur clé de l'adoption de la marche et de la course minimaliste en parallèle du changement postural).

C'est désormais pour moi tellement évident et ancré dans mon quotidien que j'ai fait de ma préoccupation personnelle celle de mes enfants.

J'aurai évidemment préféré que Vivobarefoot soit réactif lorsque je les ai interpellé sur Twitter, mais ça n'altère en rien ma haute satisfaction globale du produit. Pour reprendre une expression qui m'a été livrée récemment à propos de chaussures de trail, ce sont de véritables chaussons.

Preuve du soucis principal de la marque d'adaptation au pied (We make shoes for people who don't want to wear them), il y a systématiquement un distinction homme / femme pour les modèles.

Durant l'hiver, j'avais relevé que (pour le modèle testé) l'exposition au froid pouvait représenter une vraie gêne pour certaines personnes (mes origines alsaciennes m'en exclues). Sachez qu'il existe chez Vivo des semelles pour protéger du froid que je n'ai par contre pas testées.

Malgré 6 mois d'usage quotidien, mes chaussures restent dans un bon état général. Pas de détérioration d'ensemble ce qui illustre la qualité des matériaux, et une usure modérée de la semelle sous le pied (ne pas confondre saleté et usure sur la photo).

Next step(s) (prochains pas en français) ?

J'estime ma transition faite (à moins d'aller jusqu'à retirer les semelles), il reste donc à la généraliser.

Du côté Vivobarefoot :

  • une cible possible serait les chaussures de randonnées (la Hiker SG)
  • une autre cible, une seconde paire de chaussures pour tous les jours, encore davantage orientées ville (la Primux Lux ou la Flex)
  • une cible assez évidente serait les chaussures de running (la Motus ou la Primus Lite) / trail (la Primus Trail SG ou FG quoique assez lourde avec ses 600 grammes)

Du côté minimalisme :

Pour le lecteur intéressé :